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Passeport contre Cni : jeu de milliards  

Écrit par sur 5 juillet 2021

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Alors que l’établissement et l’obtention de la Carte nationale d’identité reste un chemin  de croix au Cameroun, le gouvernement vient de réussir l’exploit de produire le passeport en 48h. La réalité est que le marché de production des passeports est plus juteux que celui de la production des Cni.

C’est l’euphorie depuis le 2 juillet 2021, avec l’effectivité de l’obtention du passeport en 48h comme annoncé par le Délégué général à la sûreté nationale. Pour y parvenir, un centre de production ultramoderne a été installé à Yaoundé, et ce qui est appelé révolution est présenté dans les médias classiques, en ligne et dans les réseaux sociaux. Un centre où les éléments de la police camerounaise, habitués à des bureaux au visage terne des locaux des commissariats, trouvent un nouveau cadre de travail. A l’occasion de la remise des premiers sésames qui ouvrent les portes des frontières, le patron de la police Martin Mbarga Nguélé a déclaré : « que les citoyens ne se laissent plus entraîner dans les réseaux d’arnaque et de corruption en vue de la délivrance d’un passeport dit express, qui n’a jamais existé. » On a aussi eu droit au témoignage d’un usager bénéficiaire qui s’exprimait en ces termes : « il va falloir se poser des questions sur les gens qui nous dirigent, s’il n’y a pas un saint esprit caché quelque part qui est en train d’intervenir déjà progressivement, parce que là franchement, moi je vis en Europe, et pour faire les passeports ce n’est pas comme ça. » C’est un grand pas en effet, que le passeport soit enfin démystifié, en espérant qu’on ne soit pas là dans un effet d’annonce et que l’euphorie ne s’estompe pas par la suite. Mais qu’en est-il des autres pièces officielles ?

Quid de la Cni, carte d’électeur, permis de conduire…

En plus du passeport, l’obtention de la carte nationale d’identité, de la carte d’électeur, du permis de conduire ou de la carte grise d’une voiture, a de tout temps été un chemin de croix. Pour la Carte nationale d’identité plus précisément, après plusieurs balbutiements, la production d’une nouvelle et la refonte totale du système d’identification et de fabrication des nouveaux titres a été lancé en août 2016, et le marché confié à Thales, une société française qui se présente comme le leader mondial de la sécurité numérique, un acteur majeur de la modernisation des états et un fournisseur expérimenté de solutions sécurisées complètes nouvelle  génération. Cette société devait produire en plus de la carte nationale d’identité, la carte de séjour, la carte de réfugié, la carte professionnelle du personnel de la délégation générale à la sûreté nationale, la carte de retraite pour les fonctionnaires de la sûreté nationale, avec une extension possible à d’autres administrations publiques ou privées. En plus de la sécurisation recherchée, il y avait surtout la rapidité de la production pour diminuer l’ampleur des tracasseries subies par les Camerounais à la quête de la Cni. 5 ans après, le problème est resté intact, s’il ne s’est empiré. Au point où, en janvier 2021, la porte-parole du Parti camerounais pour la réconciliation nationale (Pcrn) Anne Féconde Noah a lancé l’opération #jeveuxmaCNI. Deux mois après, le 4 mars, elle a donné une conférence de presse à Yaoundé pour faire le bilan. D’après elle, « l’augmentation de la capacité de production journalière, qui devait passer de 10 000 cartes produites actuellement à 15 000 cartes par jour ne semble pas effective, pour preuve, dans certains postes d’identification, les récépissés de plus de 6 mois sont toujours prorogés en violation de l’article 8 alinéa 3 du décret de 2016 qui dispose que la validité d’un récépissé de CNI est de 3 mois, éventuellement renouvelable une fois ».

Jeu de milliards

De là à se poser la question de savoir quel intérêt le pouvoir de Yaoundé a à encourager et accompagner la production du passeport en 48h et ne pas faire autant pour les autres pièces officielles. De même, sur le volet social, combien de Camerounais ont besoin d’un passeport, comparé aux milliers d’autres pour qui la Carte nationale d’identité, le permis de conduire, la carte d’électeur sont indispensables, mais qui ne l’ont jamais malgré les efforts ? En termes de priorité, ne devrait-on pas mettre l’accent sur l’obtention de ces pièces que sur le passeport, du moment où ceux pour qui un passeport est indispensable n’ont même pas besoin du passeport camerounais, ayant déjà acquis d’autres nationalités et d’autres passeports avec ?

Mais la réponse à cette interrogation trouve un début de réponse dans cette déclaration du ministre des Finances Louis Paul Motaze le 18 juin 2021 devant les députés au sujet de l’augmentation du prix de ce document : « Je crois que la chose la plus importante est de dire que le passeport va se faire sous un nouveau régime. Le régime du partenariat public-privé. C’est-à-dire que vous avez un prestataire qui  va engager des dépenses pour la production du passeport. Personne ne va venir faire des dépenses pour vos beaux yeux. Donc ce prestataire a besoin d’être rémunéré sur la base du travail qu’il a fait et du fait qu’il a engagé ses propres dépenses. Donc, ce n’est plus l’Etat qui dépense, c’est le prestataire qui dépense son argent et qui a besoin d’être rémunéré. »

Il s’agit donc d’un enjeu économique dans cette affaire, ou plutôt d’une affaire de gros sous. Un investisseur privé veut miser pour gagner. La production d’une carte d’identité coûte 1800 francs, si l’on enlève les 1000 francs de la photo qui augmentent à 2800F cfa le montant total déboursé par l’usager officiellement. Sur les 25 millions estimés de Camerounais, si 20 millions doivent s’établir une carte d’identité à 1800 francs cfa l’unité, cela va engranger une somme de 36 milliards de francs cfa. De l’autre côté, si seulement 5 millions de Camerounais s’établissent un passeport, la somme totale générée à 110 000 francs cfa l’unité est de 550 milliards de francs cfa. L’argent généré par la production des cartes nationale d’identité n’est donc que du menu fretin devant ce que rapporte la production du passeport. On comprend dès lors pourquoi un marketing offensif s’appuyant sur le délai de livraison doit être fait, en usant des moyens de communications up to date pour attirer les clients, même si à côté, pour la carte nationale d’identité, d’autres doivent se faire proroger indéfiniment le récépissé.

Sur les 25 millions estimés de Camerounais, si 20 millions doivent s’établir une carte d’identité à 1800 francs cfa l’unité, cela va engranger une somme de 36 milliards de francs cfa. De l’autre côté, si seulement 5 millions de Camerounais s’établissent un passeport, la somme totale générée à 110 000 francs cfa l’unité est de 550 milliards de francs cfa.

Si l’on y ajoute les pourcentages que doivent tirer certains sur le chiffre d’affaires, on comprend mieux le pourquoi d’un certain activisme. Sans compter que la rapidité de la production du passeport pourrait également aider certaines personnes traquées à passer à travers les mailles de la justice, en se faisant établir le document en 48h pour traverser les frontières. Mais qu’importe, si dans la mouvance la carte nationale d’identité  pouvait bénéficier aussi de cette révolution, l’impact social sera plus perceptible

Roland TSAPI

 

 


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