Covidgate : l’emploi des sociétés fantômes
Écrit par sur 24 mai 2021
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Parmi les stratagèmes mis en place pour les détournements, l’une de techniques privilégiées a été de ressusciter des entreprises mortes ou d’en créer
Les malversations financières dans la gestion des fonds alloués à la riposte contre le coronavirus, rapportées par la Chambre des comptes de la Cour suprême aurait abondamment fait recours aux sociétés écrans. L’une d’elle, la plus en vue est sans doute la société Mediline Medical Cameroon Sa. Un extrait du rapport dit : « la Chambre des comptes souligne en outre que Mediline Medical Cameroon SA qui est immatriculé au registre du commerce du Tribunal de première instance de Yaoundé Centre administratif depuis le 13 septembre 2017, n’a justifié d’aucune activité jusqu’au 2 juin 2020, soit près de 3 ans après sa création. En effet, l’exploitation du relevé bancaire de cette dernière permet de constater qu’au 1er janvier 2020, son solde était nul, ce n’est qu’à partir du 2 juin 2020, soit quelques jours avant la conclusion des premiers contrats avec le ministère de la Santé publique que des mouvements sont enregistrés sur le compte. On peut en conclure que Mediline Medical Cameroon SA a été réactivé pour les besoins de la cause. » Cette société, qui n’existait donc que dans la mallette de son promoteur, qui reste à déterminer d’après le rapport, a pourtant bénéficié de toutes les faveurs dans la gestion des marchés. 9 jours exactement après avoir mouvementé son compte bancaire, c’est-à-dire après y avoir déposé de l’argent pour faire croire qu’il est actif, c’est Joseph Dion Ngute lui-même qui a autorisé que le premier marché lui soit attribué. Le rapport relève que « Mediline Medical Cameroon SA a bénéficié de l’autorisation numéro 00491/Cf/Cab/PM du 11 juin 2021, par laquelle le Premier ministre donnait quitus au ministre de la santé publique de mener des négociations avec cette société, pour la livraison progressive de 3 millions de kits de dépistage à fin décembre 2020. »
Pluies des marchés
A partir de ce moment les choses iront vite pour la mystérieuse société. Le 19 juin 2020, juste une semaine après, deux marchés lui sont attribués par le ministère de la Santé pour l’acquisition des tests rapides de diagnostic du Covid-19. Le marché numéro 018/2020 d’un montant de 1 750 000 000 de francs Cfa, et le marché numéro 020/ 2020, d’un montant de 5 milliards 250 millions de francs cfa. Une société qui au 1er juin 2020 n’avait pas un kopeck dans son compte bancaire, signe qu’elle ne fonctionnait pas, qui 19 jours après, est attributaire de deux marchés d’un montant total de 7 milliards de francs Cfa. Un mois plus tard, le 15 juillet 2020, la même société bénéficiait d’un troisième marché, celui de 500 000 tests de diagnostic rapide du covid-19, pour un montant cette fois de 8 milliards 750 millions. Un mois plus tard encore, le 25 août 2020, le ministère de la santé publique lui signait le marché numéro 162/2020 pour la fourniture de 8 ambulances médicalisées de type C, d’un montant de 440 millions de francs cfa. Ces marchés sont contenus dans le communiqué numéro D12-280 du 5 octobre 2020 portant publication des résultats d’attributions des marchés et lettres commandes spéciaux passés suivant autorisation du Secrétaire général de la présidence de la république du 17 avril 2020. Le communiqué était signé pour le ministre de la Santé publique par le Secrétaire d’Etat à la Santé publique chargé de la lutte contre les épidémies et les pandémies, Alim Hayatou.
Surfacturations
En dehors de ces marchés, Mediline Medical Cameroon SA a continué à bénéficier des marchés jusqu’en décembre 2020. Le rapport de la Chambre des Comptes de la Cour suprême relève : « les engagements en faveur de Mediline Medical Cameroon Sa représentaient au 31 décembre 2020 24 milliards 500 millions de francs Cfa » et ce pour la seule acquisition des tests de dépistage rapide, et précise qu’on pourrait d’ailleurs à juste titre conclure qu’elle a bénéficié d’un quasi-monopole, car ce montant représentait 94,93% des sommes engagés dans cette rubrique, alors que Medical plus Sarl et Sat Pharma Sarl n’en avaient eu que pour 6,10% de marché. Comme si cela ne suffisait pas, Mediline Medical Cameroon Sa a également été un instrument de surfacturations à outrance. Elle vendait un test de dépistage à l’Etat à 17 500 francs, alors que le ministère de la santé aurait pu adresser directement ses commandes au fabricant qui les livraient à 7084f, soit une différence de 10 415 francs. Plus grave, la Chambre des comptes relève que l’Etat aurait même pu acheter ces tests par le biais du Fonds mondial de lutte contre le Vih, la tuberculose et le paludisme au prix unitaire de 2932,3 francs cfa. Un calcul simple montre à peu près ce que cette société a fait perdre à l’Etat : les pièces examinées par la Chambre des Comptes indiquent qu’au 31 décembre 2020, elle a vendu 1 400 000 tests de dépistage à raison de 17 500 francs, pour le montant de 24 milliard 500 millions. Si le ministère de la Santé s’était adressé directement au fabricant, il les aurait achetés à 7083 francs, soit 9 milliards 917 millions 600 000 francs, ce qui aurait fait une économie de 14 milliards 582 millions 400 000 francs. Et s’il les avait achetés par le biais du Fonds mondial de lutte contre le Vih, tuberculose et paludisme au prix de 2932,3 francs, le tout aurait coûté 4 milliards 105 millions 220 000 francs, soit une économie de 20 milliards 394 millions 780 000 francs.
20 milliards et plus donc, c’est le minimum que la fameuse société Mediline Medical Cameroon SA s’est réveillée de 3 années de sommeil pour engloutir en 6 mois, pour ce qui de la livraison des tests seulement. Et comme l’appétit vient en mangeant, « 610 000 tests de dépistage covid-19, objet de la facture numéro 004 : MHK 06-20 du 02 juillet 2020, d’un montant total de 5 milliards 920 millions 645 mil 770 francs manquent à l’inventaire, aucune information sur leur destination finale n’ayant été produite, selon le rapport de la Chambre des comptes.
Floue sur l’existence
Dans le Code des marchés publics, pour bénéficier d’une lettre commande il faut fournir un minimum de pièces qui prouvent l’existence et le fonctionnement de la société, parmi lesquels les preuves de paiement des cotisations sociales des employés à la caisse nationale de prévoyance sociale et l’attestation de paiement des impôts ou certificat de non redevance. Lesquelles redevances sont désormais payées par virement au Cameroun. Comment faisait Mediline Medical Cameroon SA pour payer la Cnps, les impôts et autres si son compte bancaire était inactif le 1er juin 2020, et si elle ne payait rien de tout cela, quelles pièces ont servi à la constitution de son dossier de soumission, pour que des marchés de 24 milliards lui soient attribués en 6 mois ? Au demeurant, La Société Mediline Medical Cameroon SA rentre ainsi dans les annales du Cameroun, comme cet instrument qui aura été utilisé pour siphonner les Fonds Covid, et le phénomène Mediline sera désormais retenu comme le fait de réveiller une société fantôme pour gagner des marchés faramineux en engloutissant au passage sans limite de l’argent public.
Roland TSAPI