Covid-19 : le flou artistique autour du vaccin au Cameroun
Écrit par sur 30 mars 2021
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Le gouvernement s’est définitivement entremêlé les cheveux dans une communication tatillonne, ce qui conforte les doutes implantés dans l’opinion par diverses publications sur la fiabilité de ces trouvailles.
« Des démarches pour la disponibilisation des vaccins sont en cours, conformément aux très hautes instructions du Chef de l’Etat. Le Gouvernement encourage les populations cibles à se faire vacciner le moment venu, pour espérer atteindre le seuil critique de l’immunité collective ». Le ministre de la Santé publique Manaouda Malachi s’exprimait ainsi sur son compte twitter le 27 mars 2021. Deux jours plus tôt, le directeur du Centre des urgences de Yaoundé signait le 25 mars, une note de service qui disait en intégralité : « le directeur du Centre des urgences de Yaoundé informe l’ensemble du personnel de la disponibilité des vaccins contre la covid 19, à cet effet, il invite tous les chefs services à lui faire tenir sous 48 heures les listes des personnels volontaires à la vaccination contre la covid 19. » Ces deux sorties contradictoires sur le même sujet, sont indicatrices du flou artistique qui règne dans la communication autour du vaccin contre le coronavirus au Cameroun. L’affaire est en réalité devenue comme une patate chaude entre les mains des différents acteurs officiels, et pour mieux le comprendre, on peut marquer des pas en arrière, pour faire un récapitulatif des sorties gouvernementales et officielles concernant le fameux vaccin.
Embrouille
Le 21 février 2021 le ministre de la Santé publique était déjà face à la presse, pour dissiper certaines rumeurs et donner quelques clarifications : « Le positionnement du Cameroun en rapport avec le vaccin contre le Covid est clair. La situation épidémiologique permet d’observer un peu de recul mais il est indispensable de se préparer au cas où nous devons protéger nos compatriotes par le vaccin. D’où le Plan élaboré à cet effet. » 12 jours plus tard, le 5 mars 2021, le premier ministre Joseph Dion Nguté, entre deux regrets à cause du relâchement dans le respect des mesures barrières et la nécessité de les reprendre en compte, a laissé échapper quelques mots sur le vaccin : « plus d‘un million de vaccins seront disponibles à très brève échéance. » Le même jour, le patron de la Santé donnait des précisions sur la brève échéance en question : « Le Cameroun, après les diligences rendues possibles par le Chef de l’Etat, recevra dans 2 semaines, ses premières doses de vaccin britannique AstraZeneca, dans le cadre de la facilité COVAX. La priorité sera accordée aux personnels de santé bien sûr. Protégeons-nous !” Et de préciser que pour la vaccination contre la Covid-19, il y avait deux choses importantes à savoir : la gratuité pour tous suivant les différents ordres de priorité et le caractère non obligatoire, la vaccination devant se faire sur la base d’une acceptation formelle.
La 9 mars 2021, un message porté circulait dans les réseaux sociaux, signé par délégation du Secrétaire général du ministère de la Santé et adressé aux responsables de ce ministère, les invitant à prendre part à une réunion portant examen du projet de décret rendant la vaccination préventive obligatoire au Cameroun. Le temps d’une levée de boucliers et des vives critiques, ce message porté a été vite rattrapé par le ministre lui-même qui le publiait sur son compte twitter avec la mention « faux ». Entre-temps, l’utilisation du vaccin Astra Zeneca annoncé au Cameroun était suspendue en cascade en Europe, accusé d’être à l’origine de la coagulation sanguine et de provoquer le décès de certains patients. La réaction du ministre de la Santé est connue le 11 mars 2021, à travers une publication toujours : « Après la suspension par principe de précaution, du vaccin AstraZeneca, par certains pays, je viens de saisir en urgence le Conseil Scientifique et le NITAG, pour avis. Ce Vaccin est actuellement utilisé dans bien des pays aussi bien occidentaux qu’africains, sans soucis majeurs », et de repréciser le lendemain 12 mars 2021 : « Au moment où les effets secondaires du vaccin AstraZeneca continuent d’alimenter les débats, je tiens à préciser que j’ai saisi le Conseil Scientifique et le NITAG, pour avis. Il reste entendu que nous n’allons pas utiliser ce vaccin tant qu’il subsiste des doutes sur ses effets. » Depuis lors, 12 jours sont passés sans que l’on n’entende plus parler du vaccin, jusqu’à l’annonce de la disponibilité du vaccin par le directeur du Centre des urgences de Yaoundé le 25 mars et le démenti du ministre deux jours plus tard, pour qui la disponibilisation des vaccins est en cours.
Questionnements
Première remarque, le ministre parle de disponibilisation des vaccins, c’est-à-dire l’action de rendre disponible, tandis que le directeur du Centre des urgences de Yaoundé parle de disponibilité. Qui croire entre les deux ? Pour le ministre aucun vaccin n’est encore arrivé sur le sol camerounais, les procédures pour l’obtenir sont encore en cours, même comme les deux semaines données comme délai le 5 mars étaient déjà largement dépassées au 27 mars. On devrait en principe s’en tenir à la déclaration du ministre de la santé, qui en la matière est la voix la plus autorisée pour en parler. Surtout qu’à cette date aussi, les Camerounais n’ont pas encore eu droit à des images de réception des lots à la descente de l’avion par exemple, comme ce fut le cas en 2020 pour les cargaisons de masques de protection ou d’autres matériels médicaux qui étaient réceptionnés en grande pompe sous l’œil des caméras, suivi de la distribution dans les différents centres médicaux à travers la république. D’où sortent donc les vaccins dont parle le directeur du centre des urgences, réceptionnés quand, par qui, et stockés où ? Ces doses sont arrivées seulement pour le Centre des urgences, où d’autres institutions hospitalières ont-elles reçu mais ne veulent pas en parler.
La deuxième remarque c’est que du vaccin Astrazeneca du début, qui était le seul, les deux personnalités parlent désormais des vaccins au pluriel. Quels autres vaccins ont été ajoutés par la suite, qui les a validés, quelles sont leurs spécificités et leurs compositions, le pourcentage d’efficacité, la tolérance et les effets secondaires ? Autant de questionnements autour du vaccin ou des vaccins contre le coronavirus au Cameroun. Ce vaccin, qui comme le virus, serait devenu très mutant entre les mains des officiels, de quoi entretenir le doute dans l’esprit des populations déjà suffisamment méfiantes, là où elles ont besoin d’être rassurées. Mais en définitive, il faudra bien qu’ils s’entendent là-haut, pour dire la vérité au Camerounais.
Roland TSAPI