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Coopération : que laisse la Chine au Cameroun

Écrit par sur 31 mars 2021

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L’Empire du milieu est déjà bien installé au Cameroun en particulier comme en Afrique en général, dans sa nouvelle politique offensive. Mais pendant que d’autres pays prennent des mesures pour limiter son l’influence, elle se comporte au Cameroun comme en véritable terrain conquis, sous l’œil approbateur des gouvernants et au détriment du petit peuple

Le 21 avril 2018, le journal panafricain Jeune Afrique publiait un article faisant état du rapport d’une organisation non gouvernementale, Forêt développement rural, selon lequel 4 entreprises minières avaient été interdites d’exploitation minière dans la région de l’Est Cameroun, parmi lesquelles la société chinoise Lu et Lang. 7 mois plus tôt, en novembre 2017, un employé de cette entreprise n’avait pas trouvé mieux que d’abattre un Camerounais qui cherchait de l’or sur la parcelle supposée leur appartenir. En réaction, les villageois s’étaient soulevés et avaient lynché à leur tour le Chinois, qui avait perdu sa vie. La scène se déroulait dans le village Longa Mali où les sociétés minières se bousculaient, avec les chinoises en bonne place. La société Lu et Lang avait repris ses activités après un bref arrêt, sous le regard impuissant du père de la victime, dont le journal rapporte les regrets en ces termes : « ils ont tué mon fils, mais ils n’ont rien fait. Ils travaillent et personne ne les inquiète. » En plus de cet incident qui avait entraîné la mort d’un fils du pays et du village, les populations de cette localité vivent avec le cœur gros face à ce qu’elles considèrent comme une injustice soutenue par le gouvernement. D’après elles, leurs terres sont achetées de force, si l’on peut appeler cette pratique l’achat. En réalité, il est proposé des montants dérisoires en échange de leurs terres, alors même qu’elles n’ont pas demandé à les vendre. D’après les témoignages, pour une parcelle que le villageois estime le coût à 500 000 francs par exemple, ils lui proposent 80 000 francs, et selon un conseiller municipal de la commune de Bétaré Oya « vous ne pouvez pas vous y opposer car si vous le faites, votre parcelle est arrachée sans dédommagement. » Il bien entendu qu’il ne s’agit pas là d’un cas isolé, les histoires des Camerounais traités comme des esclaves ou moins sur le sol camerounais à cause de leurs terres ou de leur force de travail sont légion.

Abus

Dans les pratiques coutumières camerounaises, et notamment dans la région de l’Ouest, les terrains sont souvent mis en prêt par un propriétaire, qui pour des raisons financières, laisse l’exploitation à un voisin ou autre habitant du village pour une période donnée. Pendant cette période, celui qui est considéré comme le locataire exploite le terrain et y récolte tous les produits, qui lui appartiennent en totalité. Imagine-t-on dans cette situation, le fils du propriétaire qui y va chercher le champignon, le locataire du terrain l’y trouve et l’abat sans autre forme de procès, sous prétexte qu’il est dans son champ. La sanction est sans équivoque : l’exploitant est expulsé simplement du champ et mis à la disposition de la justice, si les tradipraticiens ne règlent pas son compte, simplement parce qu’on ne joue pas avec la vie, encore plus celle du fils d’un homme qui vous permet d’exploiter ses biens. Sur le plan national, c’est ce qui devait se passer dans le village de Longa Mali dans la région de l’Est avec cet enfant qui ne cherchait qu’à vivre en creusant la terre, mais qui a été tué par des étrangers. L’entreprise devait simplement être expulsée du site, par respect pour la vie des camerounais, aussi pauvres qu’ils soient. On ne peut venir arracher les terres des villageois et tuer leurs enfants en plus, le Cameroun a déjà suffisamment vécu cela avec la colonisation française. Si l’on déplace virtuellement le théâtre de ces évènements pour les placer dans un village de la Chine, imagine-t-on un camerounais, travaillant pour une entreprise camerounaise en Chine, qui a pris pour un morceau de pain une terre des populations chinoises, tuer un chinois parce qu’il y est passé creuser pour avoir à manger. Il est évident que tous les Camerounais travaillant pour cette entreprise devaient aujourd’hui être gardés dans l’une de ces prisons tortionnaires que les défenseurs des droits de l’homme accusent le pays d’abriter, ou au mieux devaient être reconduits à l’aéroport le même jour sans bagages.

Laisser aller

Mais au Cameroun, on laisse faire, sans doute pour des intérêts sans lien avec le bien-être des peuples, ou pour ne pas créer des incidents diplomatiques. Les gouvernants ne cessent par ailleurs de vanter l’apport de la Chine dans le développement, en mettant en avant les fortes sommes d’argent qu’elle consent à donner au Cameroun, pour des projets structurants. Mais ce que le gouvernement ne dit pas, alors qu’il le sait mais ferme les yeux, c’est que les Chinois ne sont pas des enfants de cœur. L’empire du milieu n’est pas à la conquête du monde pour distribuer des « dons », même si c’est cette qualification qui est souvent utilisée. Dans un article publié en 2019 dans la revue des relations internationales Perspectives chinoises, François Lafargue pose la question de savoir si la Chine est un investisseur ou un prédateur en Afrique. D’après lui, le décollage de la Chine a été bénéfique pour les pays africains qui ont trouvé un nouveau débouché pour leur commerce extérieur, et surtout bénéficient de la hausse sensible du cours des matières premières. Mais en dehors de ces matières premières qui ne sont pas toujours achetées à des justes prix, encore moins exploitées dans des conditions humaines, que gagne l’Afrique. Il faut déjà rappeler que pour ces matières premières, la Chine est juste comme un autre commerçant qui est allé dans le champ du paysan payer le régime de plantain avec 50 francs de plus que l’autre, mais tous les deux payent toujours à un prix sous-évalué parce que le paysan n’a pas les moyens de faire sortir son produit de là. François Lafargue dans son article affirme également que « la Chine voit dans l’Afrique un marché lui permettant de tester ses produits industriels et de les proposer à une clientèle moins exigeante. Le marché africain de 900 millions de consommateurs potentiels est considérable.» Au-delà de l’euphorie que provoque souvent un nouvel accord de prêt des centaines de milliards au Cameroun par la Eximbank China, les faits qui se précisent chaque jour qui passe, laissent voir que le pays est en train de vendre son âme à la Chine, et une question de fond devrait désormais se poser : que laisse la Chine au Cameroun ?

Roland TSAPI

 


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