Figure : Paul Nanfah, l’huissier éducateur
Écrit par sur 11 mars 2021
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On pourrait ainsi qualifier cet homme qui a fait sa carrière dans le corps de la justice mais avec une forte implication dans le monde éducatif. Il est mort en laissant derrière lui établissement d’enseignement, secondaire et supérieur confondus
Accompagner l’Etat dans sa mission d’éducation et de formation des citoyens est un impératif au Cameroun, et donner une formation technique pouvant permettre aux apprenants de s’insérer plus facilement dans la société est plus que nécessaire. Il y a des camerounais qui l’ont compris depuis les années d’indépendance, et s’il ne dépendait que d’eux, il devrait y avoir sinon plus d’établissements d’enseignement technique au Cameroun que ceux d’enseignement général, du moins une égalité dans le nombre, au regard des besoins de la société. Maître Paul Nanfah fait partie de ceux-là. Emporté par la maladie au premier jour du mois de février 2021 à l’âge de 86 ans et deux mois, il aura été au crépuscule de sa vie, à la base de la création de pas moins de 9 établissements de formation, dont 8 subsistent aujourd’hui, avec bonheur d’ailleurs.
Cursus scolaire atypique
Rien au départ ne prédisposait ce fils d’agriculteur à l’entrepreneuriat éducatif, dans lequel il aura excellé, ou capitalisé les fruits de sa profession d’huissier de justice. Né en décembre 1934 à Baleveng dans le département de la Menoua, il dut attendre l’âge de 10 ans comme il était de coutume à l’époque, pour faire ses premiers pas à l’école. D’abord inscrit à l’école protestante de Banza’a, il est suivi par un instituteur élevé par son père, qui l’emmène ensuite avec lui à Bangangté après une affectation. Le jeune Nanfah est alors inscrit à l’école officielle de la capitale du département du Ndé, pour deux années. Son tuteur ne put poursuivre sa carrière à Bangangté, les deux retournèrent alors à Dschang où il continua la classe de Ce1 à l’école officielle de Bafou, d’où il changea pour l’école officielle de Dschang dès le Cm1 et fini le Cm2 à l’école publique de Nkongsamba. En 1952, il obtint dans cet établissement son premier diplôme le Cepe, mais ne fut pas reçu au concours d’entrée au Collège moderne de Nkongsamba, seul collège couvrant la province de l’Ouest et le département du Moungo à cette époque. Il se retrouve alors à Yaoundé par les grâces d’un ami de son père et s’inscrit en première année d’enseignement technique au collège Charles Atangana. Après seulement deux années de formation, il rentre à Nkongsamba où son ancien tuteur Nomeny, greffier au tribunal de la ville, lui trouve un emploi de comptable à la coopérative des planteurs du Moungo. Parallèlement à son job, il s’inscrit au cours du soir de sténodactylographie, couronné par un diplôme en la discipline.
Formé sur le tas
Entre temps, son tuteur alors inscrit à l’Ecole Universelle de Paris où il prenait des cours par correspondance en vue de préparer une capacité en Droit et le concours de recrutement des huissiers de justice, exhorta son filleul
à faire comme lui. Paul Nanfah suit son chemin, et s’inscrit en 1955, à son tour à l’Ecole Universelle de Paris dans les mêmes objectifs que son tuteur. Le destin fit le reste. Le jeune expérimenta à partir de ce moment la vraie définition de la chance, qu’on dit être la rencontre entre la préparation et l’opportunité. En 1956 Nomeny son tuteur est admis au concours de recrutement d’huissiers de justice et nommé Huissier de justice près les Tribunal de l’Ouest et la cour d’Appel de la Région de l’Ouest qui avait le siège à Dschang à cette époque. Il encourage alors Paul Nanfah à abandonner son poste d’aide comptable à la Coopérative des Planteurs du Moungo pour regagner Dschang, où sur sa proposition il fut nommé en janvier 1957 premier clerc de son Étude, sa dernière formation par correspondance l’y prédisposait. Après l’indépendance en 1960, la République Fédérale du Cameroun ayant besoin de magistrats camerounais, Maître Nomeny fut sollicité et nommé Président du Tribunal de Bertoua en 1961. Il dut donc quitter la ville de Dschang et le besoin d’un huissier devant assurer l’intérim à son Etude se fit ressentir. Convaincant par ses compétences, Paul Nanfah fut à son tour et sur proposition de Maître Nomeny, nommé Huissier par intérim près le Tribunal de première instance de Dschang et chargé de la gérance de l’Etude de maître Nomeny Nguissi Emile le 21 mars 1960 et ce jusqu’à la nomination d’un huissier de justice titulaire. A cette époque, plusieurs tribunaux avaient été créés à travers le Cameroun, et un concours de recrutement d’huissiers lancé pour assurer les charges près lesdits tribunaux. Maître Paul Nanfah postula pour le Tribunal de Bafoussam mais le poste s’offrait à lui naturellement, au vu de son parcours. Il fut reçu après simple examen de son dossier et nommé Huissier de justice titulaire à la première charge d’huissier de justice de Bafoussam, ressort de la cour d’appel de Dschang le 12 février 1962 par un décret du président de la République Fédérale Ahmadou Ahidjo. Il prêta serment le 31 mars 1962 et y exerça jusqu’à son départ à la retraite le 1er janvier 1995. Il a gravi les échelons dans la profession et a fini Huissier de justice Honoraire, titre que lui a conféré la Chancellerie le 12 janvier 1999.
La voie du destin
« L’architecture est ma passion. Tout au long de ma vie j’ai toujours partagé ma ration avec un sac de ciment », disait Paul Nanfah, il aimait construire, mais pas juste des bâtiments, les écoles surtout. Le nom Menoua espoir collège résonne encore avec nostalgie dans la mémoire de beaucoup d’anciens élèves de la région de l’Ouest, l’établissement étant devenu à une époque une référence, surtout qu’il jouxtait le centre universitaire de Dschang qui plus tard deviendra l’université. Mordu par le virus de l’enseignement et de la formation, il créa d’abord un cours du soir de sténodactylographie à Dschang qui devint plus tard le Grand Collège de la Menoua, premier établissement d’enseignement secondaire et privé de la région de l’Ouest. 15 ans après, les associés ne s’entendaient plus et le collège fermait. Sur ses cendres, Paul Nanfah fonde en 1981 Menoua Espoir Collège à Dschang, et ne s’arrête plus. En 1988 le Collège Polyvalent Bilingue Martin Luther King est créé à Bafoussam, suivi en 1994 de l’Institut Polyvalent Nanfah à Douala, en 2004 de l’Institut Supérieur des Sciences et Technologies Nanfah (ISSTN) à Dschang, du collège bilingue Maak-Paulo à Bafoussam en 2007, de l’Institut supérieur des hautes études industrielles et commerciales Sigmen à Douala et l’Institut supérieur Mony Keng à Bafoussam en 2015. La nation ne pourra pas dire qu’il n’a pas contribué à la formation de la jeunesse, il a tracé son sillon, il a accompli sa mission dans ce domaine. Paul Nanfah a commencé par Menoua espoir collège, il a continué à Bafoussam et à Douala, villes dans lesquelles il a implanté cet espoir fondé sur la formation et l’éducation, il est parti en gardant l’espoir qu’une jeunesse bien formée constituait le socle de développement d’une nation, il a légué cet espoir à la jeunesse et à sa progéniture, dans l’espoir qu’elle comprenne où il allait et perpétue son œuvre.
Roland TSAPI