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Cote d’Ivoire : Gbagbo libre… de ne plus gêner

Écrit par sur 2 avril 2021

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Il a été maintenu en prison, le temps que son adversaire de 2011 prenne 3 mandats au pouvoir. Sa mise à liberté n’est plus une menace désormais, les mains souterraines ont donc levé le verrou

Laurent Gbagbo, l’ancien président ivoirien a été définitivement acquitté par la Cour pénale internationale le 31 mars 2021, et il est désormais libre de rentrer dans son pays en Côte d’Ivoire, après exactement 10 ans de privation de liberté. Il avait été interpellé le 11 avril 2011, après trois mois de conflit post-électoral, entre son camp et celui d’Alassane Ouattara au sujet de la victoire au deuxième tour de l’élection présidentielle du 28 novembre 2010. D’abord gardé dans une prison de Korhogo au nord du pays, il a été envoyé 7 mois plus tard à la Cour pénale internationale poursuivi pour crime contre l’humanité. Son procès avait été ouvert en janvier 2015, presque 4 ans après son interpellation, et le 16 janvier 2019, il est acquitté, libéré un mois plus tard mais interdit de rentrer dans son pays, à cause de l’appel interjeté par le procureur de la Cour contre cette décision d’acquittement. La Belgique accepta de l’accueillir, le temps que le procureur de la cour pénale explique pourquoi il ne veut pas que l’ancien président soit libéré. Il a dû être retenu deux ans de plus, avant d’être définitivement acquitté puis libéré le 31 mars 2021. Il aura cumulé donc en tout, 9 ans 11 mois et 20 jours entre les mains de la justice, il lui restait 11 jours pour faire 10 ans pleins. Laurent Gbagbo a été acquitté. C’est-à-dire qu’il a été déclaré non coupable des crimes pour lesquels il était traduit devant la cour pénale internationale et déporté hors de son pays. En clair, il a fait 10 ans de prison pour rien, soit 8 ans dans les cellules à Korohogo en Côte d’Ivoire et à la Haye au Pays Bas, et 2 ans en résidence surveillée en Belgique, parce que même quand la Cour a initialement dit en 2019 qu’elle ne trouvait rien à lui reprocher, le procureur a fait appel pour qu’il reste gardé.

Éliminer la menace

Laurent Gbagbo avait été interpellé par les forces pro Ouattara appuyées par l’armée française, dans la résidence présidentielle de Cocody à Abidjan. Dans son livre intitulé « libre pour la vérité et la justice » écrit en prison avec le journaliste François Mattéi, il raconte : « C’est Ouattara Morou (un des chefs rebelles) qui m’a mis le gilet pare-balles, le casque. Je savais à partir de ce moment que tout pouvait m’arriver, à moi, à tous les miens… Ouattara Morou m’a poussé dans un véhicule qui a roulé à tombeau ouvert, et on est allés jusqu’à l’Hôtel du Golf. Là, on m’a fait attendre dans une pièce, j’ai vu d’autres prisonniers couchés à même le sol, puis on m’a mené au quatrième étage, dans une chambre, je crois la 468. Les barons du nouveau régime sont venus me voir : Soro, avec une petite casquette, Hamed Bakayoko. Pour quoi faire ? Pour savourer leur victoire. Ils sont restés une quinzaine de minutes, pas plus. » Aussi, deux jours après l’arrestation de Laurent Gbagbo, ce chef rebelle Ouattara Morou donna une interview au journaliste de Radio France internationale Christophe Boisbouvier, dans laquelle il affirma « L’Onuci et la force Licorne ont d’abord bombardé les armes lourdes et ça nous a facilité l’accès à la résidence présidentielle. Lorsque nous avons défoncé la porte du bunker à la roquette, le président Gbagbo s’est rendu en disant « Ne me tuez pas, ne me tuez pas ! » Immédiatement après l’arrestation de Gbagbo, Alassane Ouattara nomme Guillaume Soro premier ministre, qui forme son gouvernement avec comme ministre de l’intérieur un certain Hamed Bakayoko. Même si le groupe est aujourd’hui disloqué, avec Guillaume Soro en exil, devenu farouche opposant de son maître d’hier, et Hamed Bakayoko, qui lui a plus tard succédé à la primature et aujourd’hui dans la tombe, il est clair qu’à l’époque le clan était bien soudé ; encadré et soutenu par la France, et avait un ennemi commun, Gbagbo. Les déboires de ce dernier avaient d’ailleurs commencé en 2002, quand à peine avoir pris le pouvoir en Côte d’Ivoire à l’issue des élections du 22 octobre 2000, visiblement à la surprise de la France, il était en visite en Italie le 19 septembre 2002 quand un coup d’Etat échoua, mais ouvrit huit années de crise politique majeure et conduisit à la partition du pays. Les forces loyalistes de Laurent Gbagbo ne contrôlaient plus que le Sud du pays, tandis que la rébellion s’était installée au Nord. Laurent Gbagbo reste intimement convaincu que la France a été derrière toutes les déstabilisations qu’a connues son régime. Il explique dans son livre qu’une fois en Italie, après une entrevue, Silvio Berlusconi, qui était à l’époque président du Conseil italien, l’avait raccompagné à sa voiture, et en lui tenant le bras quand ils étaient seuls, lui dit “Tu me plais, toi. Si je peux te donner un conseil : méfie-toi de Chirac. Il est très sympathique, comme ça, mais il poignarde dans le dos.”  Vers 4h du matin cette nuit-là, il fut informé par un coup de fil de l’attaque militaire massive déclenchée dans tout le pays. Quand il décida de rentrer, Robert Bourgi, conseiller politique français et spécialiste des questions africaines, qui se trouvait à Rome comme par hasard, apparu et insista qu’il passa par Paris voir son grand frère, faisant allusion à Jacques Chirac. « Sur le moment, j’ai pensé à tous ces chefs d’État, en Afrique, qui étaient partis en voyage, et n’avaient jamais pu rentrer. Je n’avais pas vu le pape, je ne suis pas allé à Paris, voir Chirac. Je suis rentré à Abidjan. » la crise qui s’ensuivit donna lieu à des négociations de Linas Marcoussis du 15 au 26 janvier 2003. Il arriva le 23 janvier dans la ville où se trouvaient déjà Guillaume Soro, à la tête de la rébellion, et Alassane Ouattara entre autres, il trouva à l’hôtel Meurice où il descendit que s’y trouvait déjà Omar Bongo un ami de Ouattara, pour le « travailler au corps » dit-il. Dans la nuit on glissa en bas de la porte de sa chambre les textes des accords, et le lendemain ; alors qu’il allait encore à la rencontre, il lut le journal le Monde de ce matin-là qui donnait « déjà, en page 2, le nom du futur Premier ministre, une proche de Ouattara, membre de son parti, le RDR, Henriette Diabaté. »

Voie libre

Laurent Gbagbo a-t-il fait 10 ans de prison hors de son pays pour rien, certainement pas. Ces  10 ans coïncident également avec le règne d’Alassane Ouattara en Côte d’Ivoire et la sécurisation de son pouvoir. Il a eu le temps d’achever le premier mandat et de prendre un deuxième en 2015, et un troisième en 2020 avec une victoire de 95,31%. Sans doute le dernier. À la fin de ce mandat en 2025 il aura 84 ans, Gbagbo qu’il avait sorti de force du palais présidentiel pour s’installer avec l’aide de la France, peut donc rentrer. Il n’est plus une gêne, et sera lui-même à 80 ans. Mais le journal français libération, sous la plume de Maria Malagardis, a publié le 31 mars 2021 à l’annonce de l’acquittement définitif de Gbagbo, un article au titre aussi évocateur que révélateur : « L’acquittement de Laurent Gbagbo ne doit pas faire oublier la responsabilité de la France. » En réalité, Gbagbo est désormais libre…de ne pas gêner le pouvoir

Roland TSAPI 


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