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Elections régionales : le Rdpc confirme son statut de parti-Etat.

Pour financer la campagne électorale, les fonctionnaires ont obligation de cotiser des montants arrêtés par le parti, surtout quand ils occupent des postes de responsabilité dans la fonction publique.

 

Les élections régionales, les toutes premières du Cameroun se préparent pour le 6 décembre 2020, avec la campagne électorale ouverte depuis le 21 novembre. Pour cette campagne comme pour les précédentes, les partis politiques s’organisent et surtout trouvent les ressources financières qui leur permettront de couvrir les dépenses de campagne. Cette équation pour trouver les ressources financières ne semble pourtant pas difficile pour le Rassemblement démocratique du peuple camerounais, parti au pouvoir, qui une fois de plus, se retourne vers les fonctionnaires pour les presser et obtenir ce qu’il veut pour la campagne. La délégation permanente départementale du parti dans le Mbam et Kim, région du centre, a par exemple rendu public un tableau fixant le taux de contributions financières pour les régionales du 6 décembre 2020. On y note qu’en plus des candidats à cette élection et les autres élus du parti, d’autres fonctionnaires et opérateurs économiques doivent mettre la main dans la poche. Le gouverneur devra contribuer pour 500 000 francs, le préfet pour 300 000 francs et le sous-préfet pour 150 000 francs cfa. Les sous directeurs et délégués départementaux devront contribuer pour 50 000 francs, les opérateurs économiques commerçants 100 000 francs, alors que les membres simples et autres sympathisants devront donner 10 000 fcfa.

Financement

Il est normal pour un parti politique de s’appuyer sur ses militants pour supporter une campagne électorale, mais ce qui apparait dans cette liste de contribution, c’est qu’une distinction est clairement faite entre les militants, et ceux qui occupent une fonction étatique ou libérale, qui dans l’absolue n’ont pas à s’enfermer dans une dénomination politique du fait de l’obligation de neutralité que leur confèrent leurs fonctions. Déjà, quand une délégation permanente départementale exige du gouverneur de contribuer pour 500 000 francs, c’est qu’il doit le faire en tant originaire du département en question ou en tant que administrateur de la région dans laquelle se trouve le département ?  S’il doit le faire en tant que fils du département, est-ce à dire qu’il doit son poste au succès du parti dans son département d’origine et non à ses compétences réelles d’administrateurs civil ? Et s’il doit contribuer en tant que gouverneur de la région, devra-t-il alors contribuer aussi 500 000 pour tous les départements que compte la région du Centre, 10 au total pour le cas d’espèce ? La même question se pose pour les préfets et sous-préfets obligés de contribuer, de même que les délégués départementaux.

Parti-Etat

De telles pratiques sont simplement une autre preuve que le Rassemblement démocratique du peuple camerounais n’est qu’un parti Etat, un parti qui s’appuie sur l’Etat pour survivre. L’obligation qu’ont les fonctionnaires à contribuer pour le parti fait d’office d’eux les financiers du parti, même s’ils ne sont pas militants comme beaucoup le disent. Obliger un citoyen à contribuer pour un parti politique, même avec une sensibilité différente, c’est violer sa liberté de choix. Plus, quand un fonctionnaire est obligé de cotiser pour un parti, est-ce de son salaire qu’il prend cet argent ou de la caisse publique ? N’est ce simplement pas une manière d’encourager les pots de vin et la corruption dans l’administration, où les fonctionnaires peinent déjà à joindre les deux bouts avec leurs salaires ? Les statuts du Rdpc prévoient à l’article 29 que « (1) Les ressources du Parti et de ses organisations spécialisées proviennent : des droits d’adhésions, des cotisations, des contributions de toutes sortes versées par les membres du parti ou de ses organisations spécialisées, des souscriptions, dons et legs, et des revenus locatifs des biens du Parti, des produits des œuvres artistiques et des manifestations organisées par le Parti, des produits de la vente des travaux et publications du Parti. Les taux d’adhésions et des cotisations sont fixés par décision du Comité Central. (2) Le Comité Central prend, en outre, toutes autres mesures susceptibles d’assurer l’autofinancement du Parti. » En plus de ces ressources, une pratique non écrite veut que tous les élus d’un parti politique versent des contributions mensuelles ou annuelles pour le parti, sans compter que le Code électoral camerounais prévoit le financement de la campagne électorale par les fonds publics. C’est dire que si le parti fonctionnait normalement, l’on n’aurait pas à presser les fonctionnaires comme des oranges à chaque échéance électorale, pour les obliger à participer à une campagne électorale qui parfois ne les concerne ni de près ni de loin.

Une autre curiosité dans le tableau de contribution du Mbam et Kim, c’est que l’opérateur économique spécial doit contribuer pour 1 million de francs, alors que l’opérateur économique commerçant devra contribuer pour 100 000 francs. Comment définit-on déjà opérateur économique spécial, qu’est ce qui le rend spécial ? Et l’autre opérateur économique commerçant, l’obligation de contribuer pour 100 000 francs pour la campagne du parti, tient du fait que c’est le parti qui lui a donné le capital, ou que le parti lui donne certaines facilités, comme le non-paiement des impôts par exemple ? Dans un cas comme dans l’autre il y a quelque chose qui cloche.

Ce qui est évident au final, c’est que le Rassemblement démocratique du peuple camerounais est coutumier de la pratique, et si jusqu’ici aucune des personnes ciblées ne s’est plaint, c’est dire qu’il y a bien une entente délictueuse entre les deux parties, une entente dont la victime ne peut être que le peuple, qui souffre.

Roland TSAPI